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Important remaniement gouvernemental en Turquie

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Un important remaniement gouvernemental a eu lieu en Turquie au cours du week-end du premier mai. Cette recomposition était attendue, car elle avait été annoncée par le premier ministre, Recep Tayyip Erdoğan, en personne, au soir du 29 mars dernier, à l’issue d’élections municipales dont les résultats n’avaient pas été à la hauteur des espérances de l’AKP.

Au total, huit ministres ont été remplacés. Pour certains, comme Kemal Unakıtan, qui a du céder le portefeuille des finances à Mehmet Şimşek, il s’agit à l’évidence d’une sanction en relation avec la contreperformance de l’AKP aux élections municipales que nous évoquions précédemment. Pour d’autres, comme Mehmet Ali Şahin, c’est plutôt le préalable à un appel à de nouvelles fonctions. Le très actif ex-ministre de la justice pourrait devenir, en effet, président de la Grande Assemblée Nationale, car le mandat de Köksal Toptan vient à échéance au cours de l’été prochain et son parti ne semble pas souhaiter voir ce dernier reconduit à son poste. Le nouveau gouvernement s’est en outre timidement féminisé, puisque la nouvelle équipe compte une femme supplémentaire. Nimet Çubukçu, l’unique femme du précédent gouvernement a pris en main le ministère de l’enseignement laissant sa place, au ministère de la famille, à Selma Aliye Kavaf.

Mais c’est surtout la nomination d’Ahmet Davutoğlu (photo) aux affaires étrangères, qui a fait la une de l’actualité. L’événement était certes attendu, lui aussi, mais il vient consacrer le nouveau positionnement international qui est celui de la Turquie. Ahmet Davutoğlu (cf. notre édition du 21 janvier 2009) , professeur de relations internationales et conseiller du premier ministre pour les affaires étrangères, est en effet l’inspirateur direct de ce que l’on a appelé la nouvelle politique étrangère turque, cette expression désignant les initiatives remarquées que la Turquie a prises au cours des dernières années dans son environnement régional, en particulier au Moyen-Orient (nouvelles relations avec le monde arabe et l’Iran, mise en relation de la Syrie et d’Israël pour l’ouverture de négociations, obtention d’un cessez-le-feu à Gaza pour mettre un terme à l’intervention militaire israélienne…) et dans le Caucase (normalisation des relations avec l’Arménie, aide à la résolution du conflit russo-géorgien, mise en place d’une plateforme de stabilité dans le Caucase…).

Le remaniement ministériel dans son ensemble comme cette dernière nomination en particulier, associés à l’arrivée, en janvier 2009, d’Egemen Bağış au poste de négociateur en chef avec l’Union Européenne avec le titre de ministre d’Etat (cf. notre édition du 19 janvier 2009), ont été analysés comme la confirmation que la Turquie entendait poursuivre et intensifier les réformes nécessaires à son intégration européenne. Toutefois, il est possible que la nomination d’Ahmet Davutoğlu à la tête du ministère des affaires étrangères voit la Turquie prendre une posture beaucoup plus offensive dans les négociations qu’elle mène avec Bruxelles. Les Européens ont déjà eu l’occasion d’éprouver cette version plus entière de la diplomatie turque, lors du sommet de l’OTAN à Strasbourg. Forte de ses atouts économiques, énergétiques et stratégiques, que les événements des derniers mois ont amplement mis en exergue, la Turquie pourrait aborder la problématique de sa candidature européenne de façon beaucoup plus ambitieuse. L’arrivée d’Ahmet Davutoğlu à un ministère, qui est aussi une première dans ce régime de tradition parlementaire parce que le nouveau ministre en question n’est pas député, provoque le départ d’Ali Babacan de la direction de la diplomatie turque pour un poste de vice-premier ministre chargé de la coordination économique où il aura la lourde tâche d’affronter les conséquences de la récente crise financière.

L’autre événement de ce remaniement est le retour au premier plan de Bülent Arınç, L’ancien président de la Grande Assemblée Nationale est nommé en effet, vice-premier ministre. Cette forte personnalité du parti au pouvoir était en retrait depuis les élections présidentielles, au cours desquelles il avait critiqué notamment le maintien de la candidature d’Abdullah Gül. Connu pour son franc parler, Bülent Arınç s’est souvent illustré par le passé en taclant sèchement les militaires (notre édition du 13 avril 2007) et plus récemment en s’exprimant sans nuance sur les développements de l’affaire « Ergenekon ». Au printemps 2007, il avait été de ceux qui avaient fortement incité Recep Tayyip Erdoğan à ne pas céder à l’establishment, lorsque ce dernier essayait au printemps 2007 de dissuader l’AKP de présenter un candidat à l’élection présidentielle. Mais, lors des élections législatives (cf. notre édition du 4 juillet 2007), et de l’élection d’Abdullah Gül à la présidence, il était entré en conflit avec le leadership du parti, ce qui explique la traversée du désert qu’il a effectuée par la suite.

Si l’on ajoute à ce retour, le maintien de vieilles connaissances, comme Vecdi Gönül (ministère de la défense), Beşir Atalay (ministère de l’Intérieur) et Cemil Çiçek (vice-premier ministre), on comprend que le gouvernement remanié sera probablement plus politique dans son sens le plus noble, pour ce qui est de la politique internationale notamment, mais qu’il risque l’être aussi dans son acception la plus triviale, pour ce qui est des affaires intérieures. L’objectif du premier ministre n’est-il pas de regagner sur le terrain les voix perdues le 29 mars ?


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